Oeuvres

Talea ou la machine et les herbes folles (1986/1986)

Gérard Grisey + Biographie

pour ensemble

Talea relève le défi d’employer la rapidité au sein d’une écriture spectrale, d’associer un développement dynamique et tangible à une musique qui, par sa nature même, demande de fréquents arrêts sur image. A la contrainte de la rapidité s’ajoute celle du contraste, qui semble avoir été le moteur de la construction de l’œuvre. Aussi la pièce se découpe-t-elle en deux sections distinctes, la première marquée par une écriture polyphonique, tandis que la seconde est de nature homophonique. La talea, une « coupure » qui désigne la répétition d’un motif rythmique dans certains motets du XIVe siècle français, s’incarne dans la succession progressivement décalée du geste initial du quintette. Ces motifs décalés subissent également des transformations intervalliques, réglées au quart de ton – à ce titre la clarinette est accordée un quart de ton plus bas qu’à l’ordinaire.
La seconde partie pourrait s’intituler « color », soit le pendant mélodique de la talea : dès lors, la cruauté des notes répétées au piano donne une couleur machinalement macabre à la section, une écriture qui se répand progressivement à toutes les voix, entre lesquelles germent des bribes mélodiques. Grisey mentionne à ce sujet : « La première partie m'apparaît comme un processus implacable, véritable machine à fabriquer la liberté qui émergera dans la seconde partie. Le processus de cette dernière est en effet troué d'émergences plus ou moins irrationnelles, sortes de rappels de la première partie, qui peu à peu se colorent du contexte nouveau jusqu'à devenir méconnaissables. Ces fleurs sauvages, ces herbes folles poussées dans les interstices de la machine, croissent en importance puis débordent jusqu'à donner aux sections qu'elles ont parasitées de l'intérieur une coloration tout à fait inattendue. »
Non loin de la fin perce une mélodie, aux intervalles de plus en plus distendus, qui se transmet entre clarinette, flûte puis violon. Ce grand lyrisme déposé sur le hachage du piano finit par s’amenuiser, pour s’assimiler définitivement au pattern rythmique qui s’était propagé aux voix supérieures.
(Christophe Bitar)

Concerts SMC Lausanne

Lundi 16 Janvier 2023 (Saison 2022-2023)
Ensemble Fractales
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