Oeuvres

Suite op. 29 (1925-1926)

Arnold Schoenberg + Biographie

pour piano, clarinette, violon, alrto et violoncelle

L’unité de l’œuvre est intérieure ; dans chaque mouvement, c’est la série qui structure le matériau sonore et qui lui impose sa logique organisationnelle, non le titre des mouvements qui ne suggère qu’un motif « superficiel ».
Bien que portant le numéro 29, la Suite est l’une des premières œuvres dodécaphoniques de Schoenberg. Le projet est en effet antérieur à la conception des opus 27 et 28, datant de 1925.
Le compositeur dira quelques années plus tard à un journaliste que l’opus 29 correspondait à un « tournant » dans son œuvre, et, en référence aux catégories établies par Nietzsche, qu’elle représentait le « côté apollinien » dans une époque dionysiaque. L’apollinien renvoie, au contraire du dionysiaque, à ce qui est caractérisé, entre autres, par la clarté, l’ordre et la mesure, catégories esthétiques que Schoenberg identifie au pouvoir structurant de la série.
Dans la Suite réduite à quatre mouvements se fait jour la tension entre les exigences propres à la forme classique de la suite pour orchestre et le principe organisationnel sous-jacent de la série. L’opus 29 s’ouvre sur un allegretto, se poursuit par un deuxième mouvement (« Tanszschritte ») correspondant à un scherzo, puis par un thème avec variations (« Thema mit Variationen ») avant de se conclure par une gigue enlevée, bipartite. Les motifs de danses populaires comme le Ländler (I), le fox-trot (II), ou la gigue (IV), offrent des motifs apparents, tandis que la série organise de façon souterraine le matériau musical et lui confère une unité intrinsèque.
La Suite opus 29 est écrite pour trois groupes instrumentaux : bois, cordes et piano. Outre le piano qui constitue à lui seul un groupe, Schoenberg choisit d’équilibrer le plus parfaitement possible la tessiture des trois instruments composant les deux autres groupes : la petite clarinette correspond au violon, la clarinette soprano à l’alto et la clarinette basse au violoncelle. Jusqu’alors, Schoenberg avait composé tantôt des formes « classiques » de musique de chambre – notamment des quatuors à cordes ou un quintette à vents (opus 26) – dans lesquels les instruments avaient la fonction qui était habituelle dans la pratique musicale du siècle précédent, tantôt des formes libres et nouvelles, affranchies des schémas classiques comme le sont la Sérénade opus 24 ou le Pierrot Lunaire opus 21, présentant des nomenclatures instrumentales inédites. Ici, il livre une pièce hybride, dans laquelle il fait intervenir et dialoguer les trois groupes d’instruments d’une façon originale : il n’établit pas de hiérarchie entre les trois clarinettes, le trio à cordes et le piano, mais construit un jeu subtil de correspondances et d’échos entre les différents pupitres, en faisant fréquemment intervenir au même moment les cordes et les clarinettes de même tessiture, créant ainsi des interactions homogènes entre les groupes. Dans le troisième mouvement, le jeu entre le piano et la clarinette témoigne de cette absence de hiérarchie entre les pupitres. Tandis que la clarinette basse joue la mélodie du lied de Silcher, accompagnée par le piano, c’est le piano qui offre ensuite une variation du thème (2e variation), ponctuée par un bourdon de clarinette. Il en va de même pour les thèmes : un premier pupitre annonce un thème, repris ensuite, parfois inversé, par l’autre pupitre comme dans le deuxième mouvement (« Tanzschritte ») où la clarinette solo joue le thème, tandis que le thème secondaire est interprété par un solo de violon, avant d’être repris par un solo de piano et d’être finalement élargi à un tutti.
Dans l’opus 29, Schoenberg expérimente les possibilités offertes par la composition sérielle et pense alors être à l’orée d’un nouveau système permettant d’assurer « la suprématie de la musique allemande pour les cent ans à venir ». Pourtant, cet optimisme sera assez vite ébranlé, Schoenberg s’interrogeant avant même son exil aux États-Unis en 1934 – où il reviendra en partie à une tonalité maîtrisée – sur les limites du strict respect de la « loi » dodécaphonique, qui, dans sa pureté et son dogmatisme, peut susciter l’incompréhension du public et l’isolement. Cet isolement et cette incompréhension mèneront notamment aux interrogations soulevées dans l’opéra inachevé Moïse et Aaron (1930-1932). (Laure Gauthier - avec l’aimable autorisation de l’Ensemble intercontemporain © Accents online, le Webmag de l’Ensemble intercontemporain)

Concerts SMC Lausanne

Lundi 12 Novembre 2012 (Saison 2012-2013)
Ensemble Contrechamps
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