Oeuvres

Litanies du feu et de la mer I (1969)

Emmanuel Nunes + Biographie

Dans l’oeuvre d’Emmanuel Nunes, les deux Litanies du feu et de la mer peuvent être considérées comme des pièces de jeunesse. Elles viennent clore une première période d’apprentissage. A l’Académie de musique de Lisbonne d’abord, puis aux cours d’été de Darmstadt et enfin à Paris, où le compositeur portugais suit les cours d’analyse de Karlheinz Stockhausen. A l’aube d’une prise de conscience décisive quant aux enjeux que représentent les nouvelles technologies, Nunes livre ces deux prières pour piano seul.
La première est achevée en 1969 et la seconde en 1971. Elles auraient dû former un triptyque, mais le troisième mouvement ne vit jamais le jour, laissant à cette trinité tronquée un espace pour l’absence.  Les deux Litanies ont en commun « un univers harmonique très exclusif ». Il est fondé sur cinq notes : si bémol, ré, mi, sol, la. Le do et le fa demeurent exclus, créant ainsi une mise en abyme de ce manque présent dès la genèse.
La première s’ouvre avec le ressac d’un ré suspendu : l’âme épure d’un aquatisme étale. Puis l’éruption brûlante d’un jaillissement vers l’aigu expose l’antagonisme qui donne à l’oeuvre sa structure. Il y a là une alchimie élémentaire qui invite à une écoute contemplative sans toutefois renoncer à jouer avec nos perceptions : là où l’on croyait voir du feu s’étend bientôt une plaine liquide ; là où l’on imaginait un lac apaisé, surgit une lave qui instantanément l’évapore. Au tiers du mouvement, les graves s’agitent soudainement et tentent par une effervescence fiévreuse de retourner au calme originel. Seul le silence répond. L’absence de notes devient l’absence de son, mais jamais le discours n’est plus puissant qu’à cet instant.
Le rapport entre son, durée et discours est une préoccupation majeure d’Emmanuel Nunes. Il façonne une forme ouverte et organique grâce au retour inexorable de motifs sans cesse variés. L’entêtement de ces variations emmêlées semble vouloir faire face à un temps dévoré. De la posture du compositeur transparaît une certaine idée de la condition humaine : l’homme est seul créateur de ses litanies et leurs pieuses oraisons sont autant d’absurdes tentatives d’ordonner l’insensé.

Sources :
Emmanuel Nunes - Litanies du feu et de la mer analysis,
Francisco Monteiro : en ligne : https://www.academia.edu/7604767/Emmanuel_Nunes_-_litanies_du_feu_et_de_la_mer_analysis

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