Fabulae (2015/16)

Fabulae est une pièce bâtie à trois : la musique de Garnero s’appuie sur la projection d’un texte d’Emmanuel Adely et des vidéos d’Eduardo Imasaka. Au premier plan, le texte projeté d’Adely raconte une Cendrillon réactualisée et truffée de cynisme, virant tantôt au comique, tantôt aux tristes réalités des interlignes du récit. Ainsi la pantoufle de vair devient une Louboutin piégée par du chewing-gum et les domestiques de la maisonnée sont désormais bengalis, guatémaltèques… Cette version s’attaque aux non-dits des contes, dans une vision plus prosaïque d’un monde a priori enchanté et qui perd de sa superbe vu de près.

Dans l’esprit d’un balancement, les phrases oscillent entre une synthèse extrême – proche de l’esthétique du haïku – et une exhaustivité digne d’un inventaire à la Prévert. Le séquençage du défilement du texte confère un rythme de lecture en résonance avec le fond sonore. Quant aux vidéos d’Imasaka, à l’arrière-plan, elles interviennent en contrepoint des scènes du conte dans une approche parfois brutale, « avec des influences allant du manga japonais au saturationisme ».

Là-dessus, la musique de Garnero accompagne le récit. On suit l’intrigue au gré des cadences jouées par les cordes, qui semblent tourner successivement les pages de l’ouvrage. Au fil de l’histoire, ces interventions de distance se diluent progressivement, si bien que l’on ne sait si la fiction a glissé dans la réalité.

Texte: Christophe Bitar