Blanc mérité (2016)

Gérard Pesson, Blanc mérité pour saxophone solo et ensemble (2016)
C’est dans le sillage du travail de l’artiste Roman Opalka (1931-2011) que Gérard Pesson inscrit Blanc mérité, dont le titre reprend une couleur qu’il obtenait à force d’ajouts progressifs de blanc à ses préparations, aboutissant à un ton sur ton, au blanc de titane sur blanc de zinc. Son projet Détail, commencé en 1965, consistait à peindre avec un pinceau très fin (pinceau n°0) une progression numérique sur des toiles similaires. A la manière du bateau de Thésée, les toiles de l’artiste ont évolué d’année en année, se blanchissant, tout autant que les cheveux du peintre.
C’est dans une évolution toute aussi lente que s’est élaborée Blanc mérité. Le compositeur a collaboré avec le saxophoniste Clément Himbert, dans le cadre de sa thèse : leurs multiples échanges ont engendré 1394 courriels sur sept ans ! Gérard Pesson a trouvé en Clément Himbert « un compagnon d’invention stimulant, un testeur d’idée grandeur nature, à quoi le compositeur plus souvent face à lui-même n’est pas habitué. »
Les sept moments reprennent les différentes teintes et esthétiques du nuancier de blanc. Elles s’enchaînent dans un fondu continu, dans une sorte de « tatouage du temps » à la manière d’Opalka. Le mouvement de mutation progressive, marquée par une scansion rythmique, rend le tout cyclique et inexorable. Dans Pinceau n°0, des figures d’effacement (souffle, rebonds légers), viennent rappeler la pâleur du blanc. Dans la dernière section, le saxophone interprète une sorte d’« anti-solo », fébrile, dans un souffle froid jusqu’à un Cold song, en guise de coda, renvoyant au King Arthur de Purcell.
Texte: Christophe Bitar